REGIONS ANGLOPHONES
La cérémonie de lancement des opérations d’exécution du budget pour l’exercice 2025 s’est déroulée en séance plénière le 15 janvier 2025 à la Pastoral Center de Molyko à Buéa. Une occasion pour le Ministre des Finances d’aguicher les populations des deux régions secouées par la crise anglophone. Cela semble avoir réussi puisqu’il va être porté à un rang de notabilité très élevé par les Chefs Supérieurs de la région du département du Fako.
Après avoir organisé cette cérémonie de lancement des opération d’exécution du budget dans plusieurs autres régions, notamment la précédente accueillie par la ville de Maroua, chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord, secouée par la crise sécuritaire de la branche Djihadhiste du Boko Haram, le Ministère des Finances a choisi pour cette édition de janvier 2025 de se déporter à Buea, Chef-lieu de la région du Sud-Ouest, l’une des deux régions anglophones en proie depuis 2016 à une crise sécuritaire aux allures sécessionnistes, menée par des groupes armées éparses dite « ambazoniennes ». Une crise sécuritaire qui a fait des centaines de morts, entrainé des vagues de déplacement des populations et rompu le lien social entre les citoyens, fragilisé les entreprises qui y sont implantées, et détruit plusieurs de ses infrastructures. Portant à croire que ce n’était pas choix anodin. Tout a été mis pour que cela soit l’une des plus réussi au regard de la mobilisation des autorités administratives, traditionnelles et religieuses, des élites politiques et économiques, et les forces vives de cette région. La teneur, l’axe de communication et les clés de langage utilisés dans quasiment toutes interventions a dévoilé l’opération de charme voilée dans laquelle l’argentier du pays et sa très forte délégation étaient engagés. Le tiers du discours du Ministre des Finances a été consacré sur les investissements du Gouvernement de la République depuis la sortie du Grand Dialogue Nationale de 2019, pour inverser la tendance des dégâts causés et aspirer au retour de la paix. « Le Gouvernement a pris et continue de prendre de nombreuses mesures pour éradiquer la violence, cultiver la décrispation et susciter le retour à la paix. Dans le cadre des lois de finances adoptées depuis lors et de leur mise en œuvre, ces mesures sont progressivement implémentées. Il s'agit du Programme Présidentiel de Reconstruction et de développement du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, du Comité National de Désarmement, de Démobilisation et de Réintégration ; du Soutien aux entreprises publiques situées dans les zones de conflit et des avantages fiscaux octroyés aux entreprises qui investissent en zone économiquement sinistrée », énumérera Louis Paul Motaze, Ministre des Finances.
Des investissements consistants
Cela a été renforcé par l’exposé du représentant du Ministère de l’Economie, de la Planification, et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) qui était supposé faire la présentation du Budget d’Investissement Public (BIP) sur l’ensemble du territoire nationale, mais qui a consacré son speech uniquement sur la présentation du PIB de la région du Sud-Ouest pour l’exercice 2025. De quoi faire languir les plus sceptiques. De manière explicite, le MINFI, soulignera que le Programme Présidentiel de Reconstruction et de Développement (PPRD) du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sa mise en place en 2020, repose sur trois piliers clés, à savoir le renforcement de la cohésion sociale, la réhabilitation des infrastructures et la revitalisation de l'économie locale. Soutenant que cela a permis d'apporter une réponse adéquate aux problèmes posés. De manière plus implicite, il va rappeler qu’au titre du renforcement de la cohésion sociale, 800 personnes ont reçu une aide pour la délivrance de documents perdus et deux catalogues d'acteurs locaux ont été établis; 59 événements socioculturels ont été organisés, notamment des célébrations sociales et des festivals de la paix, qui ont servi à renforcer les liens communautaires et à promouvoir les échanges culturels; 11 Centres communautaires pour femmes ont été reconstruits pour autonomiser les femmes et favoriser leur participation active au développement communautaire. Sur le plan des infrastructures, 79 écoles, 37 établissements de santé et 37 points d'eau ont été reconstruits ; quatre (04) ponts ont été réhabilités, facilitant ainsi un meilleur transport et une meilleure connectivité au sein des régions. Pour la revitalisation de l'économie locale, 1 475 ha de terres agricoles ont été réhabilités et 2 461 agriculteurs ont reçu les équipement et outils nécessaires aux travaux ; 23 marchés ont été construits ou réhabilités, renforçant ainsi le commerce local et les activités économiques ; 91 groupes agro-pastoraux et à 271 jeunes entreprises ont été soutenues.
Le Ministre des Finances, Louis Paul Motaze précisera que : « Ces résultats ont profité à tous les départements sans distinction, le processus retenu pour la sélection des projets ayant mis l'accent sur une répartition équitable avec les parties prenantes locales ». Pour l'exercice 2025 dont la consommation du budget est ainsi ouverte, le Compte d'affectation spéciale d'un montant de 36,4 milliards de FCFA contre 34 milliards FCFA en 2024 a été alloué pour optimiser sa mise en œuvre. Afin d’éviter les lourdeurs administratives, les actions identifiées ont été directement inscrites dans la loi de finances afin d’éviter d'attendre le décret de répartition dont la signature tardive faisait trainer les délais de mise en œuvre du Programme. Ainsi, en 2025, il est prévu, la réhabilitation des écoles, des formations sanitaires, des systèmes d'adduction d'eau et des réseaux d'électricité; la réhabilitation des infrastructures économiques (entreprises, plantations et marchés); la fourniture des kits de logement aux ménages; l'accompagnement des populations pour la délivrance des documents perdus; l'organisation des évènements socio-culturels en vue de restaurer la confiance et la compréhension au sein des différentes communautés sociologiques qui composent cette région. Cela fait suite au chapitre budgétaire spécial 48 qui avait été créé dans la loi de finances depuis l'exercice 2020, en vue de financer les activités du Comité National de Désarmement, de Démobilisation et de Réintégration (CNDDR). Situé en moyenne à une dotation de 4 milliards de FCFA, son enveloppe est passé à 4,4 milliards de FCFA pour l'exercice 2025, dans l’optique d’accroitre la reddition des combattants et à améliorer leur reconversion sociale, économique, culturelle et religieuse. Last but not the least, le Gouvernement de la république a mis sur pied des mécanismes de financement pour facilité la reprise des activités de certaines entreprises publiques situées dans la région du Sud-Ouest et fortement fragilisées par la crise sécuritaire, en l'instar de la CDC, la PAMOL et la SONARA.
Relance des entreprises publiques
Dans le cas de la CDC, l'État à travers une convention de reprise et de règlement a repris et cédé à deux Banques Commerciales, en l'occurrence, Société Générale et Banque Atlantique Cameroun, les dettes de la CDC d'un montant de 59,8 milliards de FCFA, soit 35,4 milliards de FCFA de dette salariale et 24,1 milliards FCFA de cotisations sociales. En respect du plan d'apurement prévu par cette convention, la première partie de la dette salariale, soit 20 milliards de FCFA a effectivement été payée aux salariés en 2024; et le reliquat de 15 milliards de FCFA est prévu pour être payé en 2025. Quant à la dette fiscale évaluée à 31,8 milliards de FCFA, elle a été reprise et intégrée au capital de la CDC. Cependant, la SONARA a bénéficié d'une recapitalisation de sa dette fiscale pour un montant de 145,4 milliards de FCFA, ainsi de la mise en place d'un financement pérenne pour le règlement progressif de ses dettes bancaires et non bancaires. Sous ce rapport, sur une dette bancaire consolidée évaluée à 376,7 milliards de FCFA au 31 juillet 2021, le dispositif de financement susmentionné avait déjà permis le remboursement d'une somme de 120 milliards de FCFA au 30 juin 2024. En revanche, les avantages fiscaux ont été octroyés aux entreprises qui investissent en zone économiquement sinistrée. Depuis 2017, le dispositif fiscal dérogatoire mis en place par la Loi de Finances en cette année a permis, à ce jour, d'agréer à ce régime très incitatif, 33 entreprises dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l'Extrême-Nord, pour un volume d'investissements de 168 milliards de FCFA, avec à terme, la création de 15 649 emplois. La région du Sud-Ouest à elle seule représente plus de la moitié des investissements projetés, avec 17 entreprises concernées. En outre, 10 entreprises domiciliées au Sud-Ouest ont été agréées au régime la loi d'avril 2013 fixant les incitations à l'investissement privé, avec à la clé de nombreuses des facilités fiscalo-douanières et la création de dizaines de milliers d'emplois.
Confirmant le sens donné par le Chef de l'État dans son important discours de fin d'année à la Nation, le représentant du MINEPAT, Njie Thomas Kinge, (DNS/MINEPAT) a souligné que la loi de Finances de l’exercice 2025 alloue pour la région du Sud-Ouest un PIB de 1 863,1 milliards de FCFA soit 25,7% du budget de l’État en crédits de paiement. En plus, d'une enveloppe classique de 59,8 milliards de FCFA comprenant des dotations à gestion centrale et des dotations à gestion déconcentrée. Cette enveloppe est dédiée à la poursuite et à l'achèvement des divers projets destinés à améliorer les conditions de vie des populations. Il s'agit, sans être exhaustif : En termes d'Infrastructures routières des Travaux de réhabilitation de la route Bekoko-Limbé-Idénau (10 milliards FCFA) ; des Travaux de bitumage de la route Ekondo Titi-Kumba (7 milliards FCFA) ; des Travaux de bitumage de la route Kumba-Mamfé (4,5 milliards FCFA) ; du Bitumage de la route Buéa (Mermoz)-Sasse-Yotutu-Limbé (Mile 4, Inter N3) (1 milliard FCFA) ; de la Construction de la route Bangem-Nguti (4 milliards FCFA). Il en va de même dans les secteurs de l'Energie, l’éducation, de Santé. Cette revalorisation de ces lignes budgétaires est motivée par le niveau de réalisation satisfaisant des projets d'investissement public de ces dernières années malgré le contexte sécuritaire connu. A titre d'illustration, le taux de réalisation physique des projets était de 73,62% pour l'exercice 2022 et de 91,40% pour 2023. Pour l'exercice 2024, il se situait déjà à 72,81% au 30 novembre 2024. « Ces belles performances sont la preuve du professionnalisme des différents acteurs de la chaine d'exécution du budget et traduit le patriotisme de la majorité des prestataires de service retenus, que je tiens à féliciter au passage » affirmera Louis Paul Motaze. Avant de mettre un petit bémol : « Mais, je voudrais vous inviter à ne pas dormir sur vos lauriers, car malgré ce tableau reluisant, il subsiste des zones d'inconfort qui pourraient altérer les bons résultats indiqués plus haut si des mesures propices ne sont pas prises. Il s'agit du dépôt tardif des dossiers d'appel d'offres entraînant une attribution tardive des marchés ; de la transmission tardive des documents contractuels aux ingénieurs de l'Etat pour le suivi des projets, et la faible capacité financière de certains entrepreneurs qui entraîne un retard dans le démarrage et l'exécution de certains projets ». Et de conclure : « J'ai envie de dire : votre patriotisme économique constitue le socle sur lequel se construit le développement économique et social de cette région ».
Mathieu Nathanaël NJOG
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Article publié dans le journal Le Canard Libéré du Cameroun
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